Derrière ce titre parfaitement putaclic assumé, il y a en fait un vrai coup de gueule qui s’adresse aussi bien au réseau lui-même qui sait pertinemment qu’il est pourri de l’intérieur mais fait son business dessus, qu’aux utilisateurs tout aussi faux qui veulent profiter de l’engouement du moment et qu’aux marques (annonceurs) dont la réflexion stratégique ne va pas vraiment au-delà de faire comme les autres. Si à l’origine le concept d’Instagram est plutôt sympa, il a complètement été perverti, et plutôt que de s’auto-réguler comme on peut le constater sur d’autres supports, il y a depuis 2 ans une course à la surenchère qui génère une bulle qui va bien finir par exploser.
En tant que « blogueuse », ce que je fais là c’est prendre le risque de me tirer une balle dans le pied (en froissant notamment des annonceurs), mais il y a des jours où j’en ai tellement ras le bol que je me dis que ça ne changera plus grand chose. J’aime prendre le temps d’en discuter en one to one avec mes clients et les marques que je connais, mais c’est comme essayer d’écoper à la petite cuillère l’eau qui pénètre dans le Titanic après sa collision avec l’iceberg. J’en profite pour dire que je n’ai rien contre les « bons influenceurs » qui tirent leur épingle du jeu grâce à Instagram.
Facebook / Instagram : faux chiffres mais vrai business publicitaire
N’importe qui ayant un compte sur Instagram et ayant cherché à le faire grossir un minimum le saura d’expérience, une partie du trafic généré par ce réseau social est fictif. Quel pourcentage, ça j’avoue que j’aimerais le savoir.
Le premier exemple est basique pour un compte de taille moyenne, postez une photo avec les bons hashtags et constatez dans les 5 premières secondes de publication combien de likes (de comptes qui ne vous suivent pas) vous recevez. Vous pouvez faire la même chose avec la même photo que vous ne légendez pas pour observer la différence. C’est simple depuis des années des comptes robots ont toujours été programmés pour liker toutes les photos répondant à certains mots clés (pour simplifier car la mécanique est plus complexe), voire même commenter avec les fameux « nice pics » ou suivre temporairement les comptes. Cela marche aussi pour les contenus plus anciens, cela ne se limite aux photos fraîchement publiées, mais c’est là le plus visible.
Une partie de ladite influence repose donc sur un pourcentage plus ou moins élevé, en fonction de la taille des comptes, de ces faux likes/ faux com’ et faux followers. Il faut bien comprendre que tout est proportionnel sur les réseaux sociaux du groupe Facebook et que l’algorithme va décupler cela. Et dans le cas présent je ne parle que des comptes fantômes « naturellement acquis », c’est à dire ceux que n’importe quel compte lambda aura dès lors qu’il publie sur Instagram normalement. On abordera l’achat de fausse audience plus tard.
Puisque j’aborde la question de l’algorithme j’en profite pour rappeler le principe de base qui s’applique aussi bien aux pages Facebook qu’à Instagram. Plus le compte est gros (et populaire), plus le pourcentage de personnes qu’il touchera sera faible (le fameux reach). Un petit compte publiant un contenu pourra toucher jusqu’à 20-25% de ses followers quand un compte à plusieurs millions d’abonnés touchera entre 0 et 1 % de sa fan base. Alors oui 0.3% de 1 million c’est toujours plus que 20% de 1000 personnes, mais encore faut-il que ces 0.3% ne tombent pas sur les comptes fictifs.
Les nouveaux algorithmes d’Instagram (comme de Facebook) poussent à deux choses pour les utilisateurs qui veulent émerger : tricher (ou du moins bidouiller) ou payer de la publicité.
Quand on est passé de l’algorithme classant les publications dans l’ordre chronologique à celui qui décide pour vous ce qui devrait vous plaire, Instagram (comme Facebook) a délibérément faussé le jeu donnant toujours plus d’influence à certains comptes au détriment d’autres. Favorisant le populaire (ou le payant) à la qualité du contenu, à vous d’aller chercher les likes et commentaires à la rame si vous n’avez pas une communauté fidèle et active.
D’ailleurs symbole de ces dérives de ces réseaux sociaux, dès lors que l’on possède un compte pro (un compte connecté à une page facebook qui offre quelques fonctionnalités supplémentaires gratuitement), on est cordialement invité à payer de la pub pour « toucher des gens intéressés par notre contenu » …. mouahahaaaaa … en fait vous avez beau avoir des « fans / followers », on vous fait comprendre qu’avec votre numéro de CB cela marchera mieux et c’est vrai. Enfin partiellement, car Facebook a déjà été pris la main dans le sac (et je l’ai constaté moi-même pour des clients) à vendre des résultats qui sont faux (et pas qu’un peu de mon expérience). Bien-sûr à partir du moment où l’on a commencé à sponsoriser certains contenus, c’est le début de la fin, car chaque fois que l’on arrête les campagnes, l’audience « naturelle » chute … comme par magie … $$$
Le business model des plateformes est bien rodé, et si les budgets publicitaires semblent à priori abordables, vous pourrez vite constatez qu’eux aussi vont subir une petite inflation à chaque fois que vous allez vouloir l’utiliser.
Tricher pour exister ?
Rien de nouveau sous le soleil, car m’étant occupée plusieurs années du classement des blogs Wikio / Ebuzzing / Teads (le Top Blog que certains ont connu), j’avais déjà pu voir que certains étaient très fort pour exploiter le système. Bien-sûr mieux on est classé (ou populaire), plus on attire l’attention des marques et plus on y gagne, donc moins on veut perdre ce statut. C’est aussi la même chose pour être bien classé sur Google ou sur la plateforme Youtube.
Alors on use et abuse de solutions plus ou moins clean pour développer son audience. Ce qui n’a pas changé au fil des années, on retrouve notamment : les concours, le buzz, les collaborations croisées avec d’autres blogs/influenceurs…
Mais cela prend du temps de se faire une audience, trop de temps pour certains, alors ils cèdent aux sirènes de la facilité. Depuis des années on peut acheter des faux comptes sur Facebook ou Twitter, cela a d’ailleurs fait plusieurs fois scandale (jusqu’en politique), mais on en parle moins maintenant. Les tendances évoluent et c’est maintenant Youtube ou Instagram qui sont les produits stars de ces sites véreux. Cela tombe bien pour Instagram il est très facile de créer de nombreux comptes fictifs et cela ne coûte quasiment rien de s’offrir plusieurs milliers d’abonnés (ou likes) plus ou moins discrètement (mais souvent « moins » que plus).
Si sur Twitter cet afflux de faux comptes était très facilement repérable sans outil particulier (et sur facebook pendant un temps aussi mais beaucoup moins maintenant), Instagram lui cache beaucoup mieux cette information dans une navigation compliquée, un manque de transparence qui en dit long sur la stratégie de l’application.
Difficile de faire le ménage sur son propre compte
D’ailleurs essayez de supprimer les faux comptes qui sont abonnés à vous (ou que vous suivez sans forcément le savoir, quelque fois de vieux comptes piratés) et vous verrez qu’Instagram limite le nombre de suppression dans un temps réduit. J’en ai aussi fait l’expérience, suite à l’utilisation d’un soft tiers (pour publier depuis un ordi plutôt que du smartphone) pour deux comptes de mes clients, j’ai constaté que ces comptes avaient commencé à suivre de nombreux autres comptes (c’est aussi ça que certains achètent) … Passant en quelques semaines de quelques dizaines d’instagrameurs suivis à plus de 2700 utilisateurs auxquels le compte s’était abonné à mon insu. Il m’aura fallu plusieurs jours pour faire le ménage à coup de 100/150 comptes par tranche autorisée, l’autre compte est d’ailleurs toujours en l’état car inexploité et cela me permet de savoir qui dans les comptes officiels ou de marques achètent des fans 😉
Il existe bien des outils qui estiment la qualité et les résultats des comptes Instragram comme Hypeauditor, mais encore rares sont les agences et les annonceurs qui l’utilisent, puisque c’est une solution payante. Et puis encore faut-il comprendre les chiffres du rapport fourni (et donc avoir compris le fonctionnement d’instagram). Techniquement un oeil averti n’a pas besoin d’outils pour définir la pertinence d’un compte, je vais vous donner quelques pistes après.
Opacité de l’application
Ce qui m’exaspère c’est que la plateforme ne semble pas oeuvrer pour plus de transparence, bien au contraire. Parmi les principaux défauts :
- Le piratage en masse de compte assez réguliers (pour les transformer en fantômes)
- L’impossibilité de vérifier que nos propres contenus ne sont pas réexploités par d’autres comptes à mauvais escient
- Les difficultés pour signaler les comptes et contenus volés (il faut de la patience)
- Les faibles tentatives de « ménage » d’Instagram dans tout ce monde de faux
D’ailleurs pour les risques de piratage, je vous recommande d’éliminer les applications tierces et surtout d’activer la double authentification. Sinon le compte que vous aurez peut-être mis 5 ans à développer patiemment et honnêtement pourra vous filer entre les doigts en moins de 5 minutes, sans aucun recours possible.
Influence ou pas de ce réseau ?
La réponse de normand s’impose car le « oui et non » s’applique parfaitement à Instagram.
OUI – Si je suis une marque qui commercialise une robe, une petite culotte ou un rouge à lèvre, d’ailleurs travailler avec les bons influenceurs (enfin influenceuses) peut être une bonne cash machine. On peut acheter spontanément ce genre de produits (si en revanche l’achat n’est pas immédiat, c’est loupé)
NON – Si je suis un constructeur automobile de luxe (et pas que de luxe) ou un fabriquant de fenêtres, les réseaux sociaux seront essentiellement bons pour la notoriété, mais le ROI sera difficile à mesurer. Ce n’est pas parce que *tartine mariol* avec ses 100k de followers habitué(e)s à le suivre pour ses looks fashion s’étale sur le capot de votre voiture que ses fans vont s’endetter sur 10 ou 20 ans pour se payer le bolide (d’ailleurs ni l’influenceur-se ni ses fans n’auront peut-être le permis de conduire).
OUI – si je suis un lieu (touristique, restaurant ou hôtel) qui peut drainer des visites à court ou moyen terme dans un budget « normal ».
NON – si je suis le nouveau palace 5 étoiles aux Seychelles visant une clientèle fortunée à 3500$ la nuit (hors petit dej et bouteille d’eau)
Si le luxe a besoin d’Instagram pour continuer à faire rêver comme ils le faisaient auparavant avec les médias traditionnels et les 4×3, on n’a clairement pas le même ROI qu’avec une robe vendue 17€ sur Asos. Les investissements et les collaborations doivent être pensées différemment en fonction de la valeur de ce que l’on vend. Sauf que de plus en plus souvent j’assiste à des collaborations qui n’ont aucun sens, on applique ce qui marche dans la mode, la beauté ou le lifestyle à d’autres univers, une forme de copier-coller moutonnier qui se solde souvent par un constat d’échec (quelle surprise).
Instagram le réseau Alzheimer
Le like est tellement compulsif sur Instagram que je m’amuse souvent à faire un test avec certaines marques ou copains blogueurs que je croise, juste par curiosité. Je les vois scroller sur l’application, liker d’un double touch rapide en discutant et quelques minutes plus tard je leur demande « dis-moi tu saurais me dire quels sont les sujets des 10 dernières photos que tu as liké (ou vu) ? »
Si on me pose la question je peux bien sûr répondre en feintant « des bagnoles et de la bouffe », c’est de toute façon ce qui compose à 80% mon flux Instagram. Mais pouvoir dire de qui ou quoi plus précisément, pose souvent beaucoup plus de problème. Faites le test, même sur vous-même.
C’est bien là où le phénomène Instragram me laisse perplexe. Comment donner une influence au contenu publié sur la plateforme quand par une sorte d’infobésité compulsive, on consomme du contenu jusqu’à overdose. On finit par agir comme des robots mais pour quelle finalité ? Comment donner du crédit à une photo quand il est peut-être impossible de la retrouver dans la masse de notre activité sur le réseau si l’on ne se souvient plus qui en est l’auteur.
Les storys agissent un peu différemment mais souffrent aussi de cette surconsommation (en plus d’avoir des statistiques encore plus opaques).
Je suis par exemple capable de dire quels articles j’ai lu depuis ce matin, ou même quelles vidéos youtube j’ai regardé (je n’en consomme pas tant que cela non plus), mais pour Instagram il y a une sorte de blackout (hors story).
Instagram est pour moi le 4×3 du Smartphone, l’esthétique de la publication a surement laissé une trace dans notre subconscient, mais face à la surabondance des sollicitations visuelles notre conscient est lui par contre à la ramasse. Partant de cette observation, quelle valeur cela peut donc avoir pour votre business ?
Ce n’est pas le moteur de recherche d’instragram qui vous permettra d’avoir une réelle visibilité plus de quelques secondes d’affilé, il n’y a pas non plus de référencement des meilleures photos sur les moteurs de recherche, alors que reste-t-il de ces publications quand elles ne s’autodétruisent pas (à la façon des storys au bout de 24h) en dehors de hashtag plus ou moins pertinents ?
Quelques conseils pour faire le tri dans les influenceurs (ça vaut ce que cela vaut)
- L’influenceur (il / elle ou eux) officie-t-il uniquement sur Instagram ou dispose-t-il d’un autre support (blog, Youtube, Twitter ou Facebook animé) pour légitimer sa communauté ? Un influenceur qui n’existe que sur Instagram peut attirer des doutes (il peut cependant avoir abandonné un blog ou chaine Youtube).
- Le contenu publié est-il original ? Le plagiat et les banques d’images sont devenues des sources inépuisables pour certains comptes fakes (cela se voit normalement). D’ailleurs 90% des photos de cet article sont issues de banque de photos libre de droit.
- L’influenceur se met-il en scène personnellement (partiellement ça marche aussi) de temps en temps ?
- Les compteurs de likes sont-ils cohérents ? Passer de publications likées par 50 personnes à 1500 personnes en 3 publications c’est louche (une progression non linéaire ça peut sentir l’achat de fans/likes).
- Les publications reçoivent-elles des vrais commentaires ? si oui, dans la même langue que la légende ou bio de l’auteur ?
- L’influenceur répond-il aux commentaires (au moins à quelques-uns) sur ces publications ? là où un faux compte s’en foutra puisque c’est sa carte bancaire qui fait tout le boulot ou presque.
- Le nombre de publication est-il cohérent avec le compteur de followers ? 25 publications pour 16 000 fans, c’est improbable (sauf à être connu par ailleurs)
- Les légendes des publications (ou les storys) sont-elles en français ? Si on cible un marché français un compte qui ne s’exprime qu’en anglais n’aura pas forcément la cible souhaitée
Si cette liste vous semble un exercice compliqué, cela ne l’est pas, sauf si on veut vérifier 1000 comptes d’influenceurs dans la journée (dans ces cas là autant payer pour un outil comme Hypeauditor). Il suffit de se mettre sur le compte et de survoler les chiffres affichés puis de scroller en cliquant au hasard sur quelques publications. Si certains ont parfois acheté du fan de manière discrète ne permettant pas forcément de repérer d’incohérences notables, les moins malins (les plus « fakes ») ne passeront normalement pas cette première sélection.
Pour réussir sur Instragram, il y a : l’esthétique, la régularité des publications (tous les jours ou presque), l’interaction, l’ancienneté… et pour tout le reste il y a Mastercard
Pour continuer sur le sujet :
Ajout : Si le sujet vous intéresse, 3 vidéos que mes camarades m’ont proposées à la lecture de l’article :
Guyruch et sa présentation de Hypeauditor (qui m’avait permis de connaître l’outil) :
Et les conséquences de sa première vidéo (Merci Joris je l’avais loupé) :
et celle là qui résume bien mon article avec beaucoup d’humour (merci Hervé)
2 Comments
Article très intéressant !!
C’est bien de voir que les langues se délient !
Je veux devenir une influenceuse sûr Instagram svp aidée moi